Reboiser et développer l’agroforesterie aux Comores

Développer une filière Ylang-Ylang éco-responsable aux Comores grâce à une approche innovante pour une filière plus équitable et plus durable

Depuis 2013, ID accompagne les acteurs·rices de la filière Huiles Essentielles Ylang-Ylang des Comores vers une production d’huile essentielle durable, plus respectueuse de l’environnement, et des acteurs·rices économiques qui en dépendent.

Contexte local

Touchée par de multiples vulnérabilités économique, politique et climatique, l’Union des Comores fait face à une très forte déforestation, la quatrième plus rapide au monde. 80% de la superficie de la forêt naturelle aurait en effet disparu entre 1995 et 2014 à Anjouan[1], l’une des trois îles constituant l’archipel. En cause, une population en pleine croissance, l’expansion des parcelles agricoles au détriment des forêts dans un contexte d’îles volcaniques au relief escarpé limitant les espaces agricoles disponibles, et les besoins importants de la population en bois-énergie pour la cuisson domestique et la distillation d’huiles essentielles Ylang-Ylang. Les conséquences de cette déforestation – érosion, perte de fertilité des sols, disparition progressive des cours d’eau permanents… – exposent d’autant plus la population comorienne aux vulnérabilités climatique et économique, ainsi que le territoire à la destruction de la biodiversité pourtant si riche.

Par son histoire et son terroir, les Comores restent le territoire produisant les qualités les plus élevées d’huiles essentielles (HE) d’ylang au monde, très prisées des entreprises de parfumerie et de cosmétique. Malgré une production largement artisanale, informelle et faiblement structurée, ce produit de rente représente aujourd’hui 15 à 20 % des recettes d’exportation de biens du pays, occupant 10% de la population rurale active des îles d’Anjouan et Mohéli. L’activité de distillation est donc une importante source de revenus pour les populations locales alors qu’elle exerce une forte pression sur les ressources forestières et l’environnement en général. Un cycle de distillation sur un alambic traditionnel peut en effet consommer jusqu’à 1 tonne de bois.  La filière apparaît donc être un levier privilégié dans la lutte contre la déforestation.

Activités clés du projet

  • Développer et diffuser des Unités de Distillation à Foyers Économes (UDAFEs) : à travers un processus itératif de R&D engageant les distillateurs d’HE Ylang-Ylang et les artisans comoriens, ID a développé différents prototypes d’alambics permettant de réduire significativement le temps de distillation et la consommation en bois. Le dernier prototype à haute performance énergétique développé en partenariat avec Planète Bois permet ainsi d’économiser jusqu’à 70% de bois en un cycle de distillation, tout en réduisant la pénibilité et renforçant la sécurité au travail. Depuis 10 ans, ces UDAFEs se sont multipliées sur le territoire comorien, avec près de 70 unités installées entre Anjouan et Mohéli. Le renforcement des compétences des artisans maçons et soudeurs de l’île d’Anjouan a permis de transférer progressivement la compétence de construction de ces UDAFEs à ASP, une entreprise comorienne aujourd’hui pleinement qualifiée et autonome dans la production et diffusion de ces alambics. 
  • Former et sensibiliser aux bonnes pratiques de distillation : utilisation d’un bois sec et calibré pour moins consommer, cueillette des fleurs à maturité, stockage des huiles essentielles sont autant de « bonnes pratiques » permettant de réduire la pression de la filière sur les ressources naturelles et d’améliorer la qualité de l’huile produite. ID organise des formations et activités de sensibilisation auprès des acteurs·rices de la filière pour encourager la vulgarisation et diffusion de ces bonnes pratiques nécessaires pour préserver les qualités hautes des huiles essentielles d’ylang.
  • Engager les acteurs·rices de la production dans une démarche éco-responsable : une distillerie éco-responsable est une entreprise consciente de ses impacts sur l’environnement (responsabilité environnementale) et sur la société (responsabilité sociale) et qui mène des actions pour les réduire ou les supprimer. Au-delà de l’alambic, ID propose aux distillateurs des formations et équipements permettant le stockage et recyclage des eaux de distillation, la valorisation des résidus de distillation en compost, l’amélioration des conditions de travail sur site, le séchage du bois, l’accompagnement des acteurs les plus précaires en encourageant le plaidoyer pour des salaires décents et des formations annexes (alphabétisation des femmes notamment). 16 sites de distillation éco-responsables ont ainsi vu le jour. Dans un souci de pérennité et vulgarisation de cette démarche, un processus de certification « éco-responsable » des sites est actuellement piloté, incluant des membres de l’Interprofession Comorienne de la Filière Ylang, de la Direction des Eaux & Forêts du Ministère de l’Environnement et des exportateurs.
  • Renforcer les stratégies collectives et accompagner les dynamiques collaboratives locales : à travers une démarche d’approche orientée changement appliquée à la mobilisation sociale, 190 acteurs·rices de la production d’Anjouan (producteurs·rices de fleurs, distillateurs·rices, ceuilleurs·euses, techniciens-manœuvres de distillation) ont défini une vision commune, des défis et changements à mettre en œuvre pour améliorer la professionnalisation et la structuration de la filière. Le suivi met en lumière plusieurs changements importants : soutien entre acteurs en période de crise (meilleure circulation de l’information, mise en place de système d’achats à crédit), élaboration de mécanismes de gestion des conflits et de régulation et contrôle pour préserver la qualité de l’huile par les acteurs, etc. L’activité a contribué à faire émerger une interprofession comorienne de l’Ylang-Ylang et ses relais insulaires sur chaque île, regroupant les acteurs de la production d’Huiles essentielles, nationalement reconnue et qui vise à promouvoir et défendre les intérêts de l’ensemble des acteurs de la production d’Huiles essentielles Ylang-Ylang. 
  • Reboiser et restaurer des espaces naturels : en partenariat avec Dahari, ONG comorienne fortement engagée dans la lutte contre la déforestation et la préservation de la biodiversité, plusieurs activités de sensibilisation et de formations de plantation et entretien des arbres sont menées auprès de pépiniéristes et d’agriculteurs·rices. Une approche participative d’agroforesterie est privilégiée, mettant l’accent sur le reboisement des essences natives.  Le projet s’intéresse tout particulièrement à la réhabilitation des padzas (terres dégradées par le déboisement et l’érosion sur les flancs montagneux) et la promotion de l’embocagement. Dahari a également développé un système de suivi des plants numérisé.

Bénéfices du projet

Bénéfices environnementaux

  • Mode de production éco-responsable : les performances des unités de distillation économes et l’appropriation de bonnes pratiques permettent la production d’une huile essentielle de meilleure qualité et augmentent les rendements tout en diminuant fortement la consommation en bois-énergie et en améliorant le recyclage des déchets et résidus.
  • Gestion des ressources naturelles et approvisionnement durable : l’amélioration de l’efficacité énergétique des alambics couplée à des pratiques de séchage et calibrage du bois et à une meilleure gestion de l’eau de distillation concourent à réduire l’impact environnemental de la production de l’huile essentielle d’ylang tandis que les opérations de sensibilisation et de reboisement cherchent à restaurer le couvert forestier et préserver la biodiversité.

Bénéfices sociaux

  • Amélioration des conditions de travail : grâce aux UDAFEs, les techniciens de distillation évoluent autour d’un alambic sécurisé (pas de retour de flamme, évacuation des fumées toxiques) et dont l’ergonomie et l’autonomie permettent une importante réduction de la pénibilité du travail.
  • Professionnalisation et reconnaissance des acteurs·rices : les acteurs·rices de la filière se professionnalisent, gagnent en compétences et gèrent mieux leur production réduisant ainsi les coûts et augmentant la qualité de l’huile produite. Les cueilleuses d’ylang ont par exemple considérablement accru leur pouvoir de négociation de leur rémunération grâce aux cours d’alphabétisation.

Bénéfices économiques

  • Valorisation économique de la production éco-responsable : la vente d’une huile essentielle produite selon un cahier des charges respectant des principes d’éco-responsabilité et certifiée en interne est gage de crédibilité auprès des exportateurs qui commercialisent l’huile essentielle d’ylang et est à terme un moyen pour négocier une plus juste répartition de la valeur ajoutée au profit des acteurs·rices de la production d’huiles essentielles.
  • Dynamique d’autonomisation et de pérennisation : les différentes formations et l’appui à la structuration institutionnelle de la filière conduisent à rendre pérenne l’action d’ID et à autonomiser une filière durable qui régule la consommation des ressources naturelles et notamment forestière et rentable qui rémunère près de 10% de la population rurale actives de îles d’Anjouan et de Mohéli.

Partenaires techniques & locaux

  • Planète bois : association française avec une expertise solide et un savoir-faire en conception d’équipement à combustion bois en contexte pays du Sud. Elle a largement collaboré avec ID sur la conception des prototypes d’unités de distillation à foyer économe (UDAFE).
  • Dahari : spécialisée dans la gestion communautaire des ressources naturelles, l’association est partenaire d’ID depuis 2017 sur des actions de reboisement sur l’île d’Anjouan.
  • ASP : entreprise comorienne de menuiserie métallique partenaire du projet depuis 2013, impliqué dans la conception et la fabrication des UDAFEs.

Chiffres clés

  • Nombre d’arbres plantés : 134.600
  • Nombre de bénéficiaires : 4.000+
  • Année de lancement du projet : 2013
  • Essences plantées : Albizia globerrima, Antholeista grandiflora, Brachylaena ramiflora, Chrysophyllum gorungosanum, Cycas thouarsii, Entada rheedii, Ficus sycomorus, Filicium decipiens, Khaya comorensis, Mangifera indica, Mimusops comorensis, Nuxia pseudodenta, Ocotea comorensis, Phyllartron comorense, Rheedia anjouanensis, Weinmannia comorensis…
  • Budget annuel :  env. 400 000 € /an.

[1] Guy Boussougou Boussougou, Yao Télesphore Brou, Ibrahim Mohamed. Changements de la couverture forestière dans l’île d’Anjouan entre 1995 et 2014. Spatial Analysis and GEOmatics conference, SAGEO 2015, Nov 2015, Hammamet, Tunisie.

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